Les modes, au même titre que les gammes, sont autant de nouvelles couleurs sonores à ajouter à votre palette de “peintre musical”. Encore faut-il savoir les trouver !
Si on vous demande “Quel est le mode dorien de D ?” ou “Quel est le mode lydien de E ?”, vous comprenez de quoi il s’agit ?
Si c’est du chinois pour vous, alors cet article devrait vous aider…
Niveau théorique de cet article :
Commençons par rappeler ce qu’est un mode…
Un mode, c’est une succession d’intervalles
Les intervalles entre les notes d’une gamme définissent ce qu’on appelle un mode. C’est en quelques sorte un “squelette” qui donne son identité à la gamme.
Vous avez certainement entendu parler des modes majeur et mineur : la musique occidentale populaire repose essentiellement sur ces deux modes.
Mais il y en a plein d’autres, partout dans le monde : modes occidentaux, traditionnels ou modernes, modes chinois, indiens, tziganes, africains, arabes… Les modes ont souvent été élaborés par des érudits, en Inde, en Perse, en Grèce, et en Europe, puis repris, adoptés et adaptés par le peuple.
Dans cet article, nous allons nous intéresser au mode majeur, que vous connaissez bien…
Le mode majeur
Le mode majeur est constitué de 7 degrés séparés par les intervalles suivants :
ton, ton, 1/2ton, ton, ton, ton, 1/2ton
C’est cette succession d’intervalles qui constitue le squelette du mode majeur.
C’est le mode que nous connaissons tous, même si nous ne sommes pas musiciens. C’est le son de la fameuse gamme apprise à l’école : do, ré, mi, etc.
Par exemple, écoutez la gamme de Do majeur suivie de celle de Sol majeur (d’abord en couleurs absolues puis en couleurs relatives) :
Qu’avez-vous remarqué en visionnant cette vidéo ?
Alors que ces gammes n’ont pas la même tonique (pour l’une, la tonique est Do et pour l’autre, c’est Sol), elles donnent pourtant la même impression sonore à l’auditeur.
Cette impression, c’est le mode qui en est responsable. La sensation sonore dégagée par un morceau ne vient donc pas des notes elles-mêmes mais du “squelette” qui les relie entre elles, autrement dit des intervalles.
Les couleurs permettent de l’illustrer de façon limpide :
- en couleurs absolues (qui indiquent le nom des notes), on voit bien que ce ne sont pas les mêmes notes qui sont jouées dans la gamme de Do et la gamme de Sol. Dans la gamme de G, vous constatez en effet que Fa (en vert) est remplacé par Fa# :
- mais en couleurs relatives, qui montrent les intervalles (donc le mode), on voit clairement que les deux structures sont identiques :
Ce qui fonde l’identité d’une gamme et d’un morceau, ce ne sont pas leurs notes absolues (do, ré, mi, etc.) mais les intervalles relatifs entre les notes.
Alain Boudet explique cela très clairement dans un excellent article dont vous trouverez un extrait dans cette page.
Ainsi, l’avantage de raisonner en mode plutôt qu’en notes absolues, c’est qu’il suffit de connaître une fois pour toute le “squelette” du mode majeur pour l’appliquer à toutes les gammes.
Autrement dit, une gamme n’est rien d’autre qu’un mode joué à partir d’une note donnée.
La gamme de Do majeur, c’est le “squelette” du mode majeur appliqué à la note Do, qui jouera le rôle de tonique. Toutes les autres notes seront à un intervalle de cette tonique défini par le “squelette” du mode majeur.
La gamme de Sol majeur, c’est le mode majeur appliqué à la note Sol. Etc.
Et quelle que soit la gamme majeure jouée, (Do, Ré, etc.), vous reconnaîtrez instantanément la sensation dégagée par le mode majeur.
Le lien entre modes majeurs et degrés de la gamme majeure
Récapitulons :
Pour pouvoir aller plus loin, vous devez bien comprendre la similitude qui existe entre la définition des modes et celle des accords de base de la gamme majeure : le mode I (Ionien, mode majeur) et l’accord M7 du degré I (accord majeur lui aussi) ; le mode II (Dorien, mode mineur) et l’accord m7 du degré II (accord mineur), etc.
Voici un tableau récapitulatif :
Sachant le lien entre les degrés et les modes, il suffit d’utiliser le tableau ci-dessous pour trouver les gammes obtenues en appliquant le “squelette” (échelle d’intervalles) de chaque mode à une note donnée :
Quelques exemples pour illustrer ça…
1/ Comment trouver le mode dorien de D ?
On cherche D dans la colonne “Dorien” et on trouve Dm7 sur la ligne de C majeur.
Le mode dorien de D sera la gamme qui part de D (Dm7 si l’on considère la gamme en accords), soit :
D – E – F – G – A – B – C
ou, en accords :
Dm7 – Em7 – FM7 – G7 – Am7 – Bm7b5 – CM7
Vous avez tout simplement pris la ligne de C majeur, mais à partir de Dm7.
Dit autrement, il s’agit d’une gamme de D ayant pour “squelette” les intervalles suivants :
ton – 1/2 ton – ton – ton – ton – 1/2 ton – ton
Vous pouvez constater que ce ne sont plus les intervalles de la gamme majeure “de base” (cette gamme majeure que tout le monde connaît n’étant rien d’autre que le mode Ionien).
Pour retrouver rapidement les intervalles constituant le squelette, il suffit de consulter le tableau ci-dessous (c’est facile, chaque case vaut 1/2 ton, comme sur un manche de guitare; ne vous occupez pas des trois lignes grisées : vous n’en avez pas besoin ici) :
Si, grâce à ce tableau, vous comparez le squelette :
ton – 1/2 ton – ton – ton – ton – 1/2 ton – ton
avec le squelette “classique” de la gamme majeure (qui, comme vous le savez, est en fait le mode ionien : ton, ton, 1/2ton, ton, ton, ton, 1/2ton), vous pouvez bien vérifier qu’il est décalé d’un “cran” (ce qui est tout à fait logique).
2/ Quel est le mode aeolien de D ?
Dans le tableau d’harmonisation, on cherche toujours D (puisque c’est un mode de D) mais cette fois dans la colonne “Aeolien”. On le trouve dans la ligne de F majeur sous la forme Dm7.
On a donc une nouvelle gamme, qui comprend les notes :
D – E – F – G – A – Bb – C
ou en accords :
Dm7 – Em7b5 – FM7 – Gm7 – Am7 – BbM7 –C7
Cette fois, cette gamme a le squelette suivant :
ton – 1/2 ton – ton – ton – 1/2 ton – ton – ton
Allez, encore un dernier exemple…
3/ Cherchons pour finir le mode mixolydien de E
Dans le tableau d’harmonisation, on cherche donc E dans la colonne “Myxolidien” et on le trouve dans la ligne de A majeur sous la forme E7.
On a donc une nouvelle gamme, qui comprend les notes :
E – F# – G# – A – B – C# – D
ou en accords :
E7 – F#m7 – G#m7b5 – AM7 – Bm7 – C#m7 – DM7
Cette fois, cette gamme a le squelette suivant :
ton – ton – 1/2 ton – ton – ton – 1/2 ton – ton
Questions / Réponses
En fait, cet article est né des questions posées par Sylvain (à propos de ce cours sur la composition), que nous avons jugé opportun de reprendre ici. Pour tirer profit des réponses, il faut avoir lu ce qui précède…
” Les modes Dorien, Phrygien, Aeolien et Locrien sont des gammes mineures et non majeures ?”
Oui, vous avez raison.
Il y a une différence entre les notions de mode et de gamme : un mode, c’est une succession d’intervalles; une gamme, c’est ce mode appliqué à une note donnée.
Les 7 modes de la gamme majeure, dont certains sont mineurs et d’autres majeurs, ce sont 7 façons différentes de jouer la gamme majeure, en commençant par chacun de ses 7 degrés.
Il existe donc une similitude entre la définition des modes et celle des accords de base de la gamme majeure : le mode I (Ionien, mode majeur) et l’accord M7 du degré I (accord majeur lui aussi) ; le mode II (Dorien, mode mineur) et l’accord m7 du degré II (accord mineur), etc.
Par exemple, les accords doriens sont tous constitués par des notes réparties selon l’échelle d’intervalle du mode dorien (1, 2, 3m, 4, 5, 6, 7). Ils seront donc mineur (1, 3m, 5), m6 (1, 3m, 5, 6), m7 (1, 3m, 5, 7), etc.
“Si je prends la position correspondant au mode mixolydien, par exemple, je dirais que je suis en Mi mixolydien sous entendu gamme de Do majeur”
Non, ce n’est pas par rapport à la gamme de C majeur qu’on dit ça. C’est par rapport à E lui-même, auquel on applique le “squelette” mixolydien.
Le mode mixolydien (comme les autres modes) d’une note donnée, ce n’est ni plus ni moins que créer une nouvelle gamme avec les intervalles spécifiques (ce que j’appelle le “squelette”) propres à ce mode.
Rappelez-vous : un mode, ce n’est rien d’autre qu’une succession d’intervalles et une gamme, c’est ce mode appliqué à une note donnée.
“Mais si maintenant je dis que je veux avoir un Do mixolydien ou un Ré ou autre…. qu’est ce que cela signifie exactement par rapport à cette gamme? Est ce que j’ai changé de gamme? A quoi ça correspond le fait d’avoir mis une autre note de cette gamme de Do majeur sur une position mixolydienne?”
Oui, vous avez tout simplement changé de gamme. Si vous appliquez par exemple le mode mixolydien à D, vous venez de créer une gamme qui part de D et qui est formée des intervalles du mode mixolydien.
“Il est vrai que si je prends n’importe quelle gamme, le mode mixolydien sera toujours la 5eme position mais si dans cette gamme je prends une autre note et que je démarre ma position mixolydienne alors que par exemple cette note est le mode Ionien ou autre à quoi ça correspond ?”
Encore une fois, ce n’est pas par rapport à une gamme donnée qu’il faut raisonner mais par rapport à la note à laquelle on va appliquer le mode.
“Et puis on entendant souvent dire je suis en MI mixolydien mais qu’est ce que ça veut dire? Est ce que ça veut dire qu’on est dans la gamme de Mi et que dans cette gamme on démarre la position mixolydienne à partir de la 5 ème note que l’on ne précise pas?
Ou alors est ce que ça veut dire que Mi est la 5eme position d’une gamme que l’on ne connait pas et que l’on démarre le mode mixo à partir de cette 5eme note ?”
Vous avez la réponse dans ce qui précède : c’est E qui est la tonalité à laquelle on applique le mode, ici le mode mixolydien.
Autrement dit, même si on ne sait pas de quelle gamme E est le degré V, on peut lui appliquer le squelette mixolydien.
Et si on ne connaît pas ce squelette, on peut le retrouver à l’aide du tableau d’harmonisation, comme dans les exemples ci-dessus.
L’idéal, ce serait d’avoir mémorisé le son de tous les modes : il devient alors possible de les reconnaître, quelle que soit la note à laquelle ils sont appliqués. Exactement comme on peut reconnaître le son de la gamme majeure et le différencier de celui d’une gamme mineure ou de la gamme blues.
Un sacré boulot, mais qui ouvre de grandes portes !
Merci beaucoup
bonne journée à vous également
Jean Michel
Bonjour et merci, comme toujours, pour vos explications. J’ai une petite question qui va certainement vous sembler stupide mais pourquoi les accords de chaque degré sont-ils systématiquement notés en septième ?
D’avance, merci
Bonne journée à vous
Bonjour Jean-Michel,
En fait, cela n’a rien d’obligatoire. On pourrait se contenter de n’indiquer que les triades. Mais cela permet d’indiquer la nature mineure (degrés ii, iii, V, vi et vii) ou majeure (degrés I et IV) des septièmes.
Bonne journée à vous 😉
Mais il y’a plein d’autres accords..Supponsons que eje prend le Calt7. Comment Savoir quel mode est correcte sur cet accord? Je peux jouer le Mode de Calt et aussi le mode Phrygien b6…Mais comment savoir ce qui est juste? C’est juste ma préoccupation….
Déjà, il y a votre oreille : c’est tout de même le guide ultime.
Et sinon, pour un accord enrichi, c’est le même principe : il faut trouver à quelles colonnes du tableau d’harmonisation appartient cet accord. Pour trouver les accords enrichis appartenant à chaque colonne, vous pouvez lire ces articles :
https://guitare-et-couleurs.com/gammes-intervalles-et-degres/
https://guitare-et-couleurs.com/harmonisation-de-la-gamme-majeure/
https://guitare-et-couleurs.com/le-super-tableau-dharmonisation-de-la-gamme-majeure/
génial!
Merci 🙂