Quand on commence à maîtriser les principaux accords de base, vient le moment où l’on a envie d’élargir sa palette de sonorités.
En effet, un accord basique, joué sur trois notes, a une sonorité “passe-partout” sans réelle “personnalité”.
Il n’aura pas la même “saveur” que le même accord enrichi par certaines notes choisies selon des règles précises.
L’objet de cet article est d’expliquer comment choisir ces notes, car on ne peut pas faire n’importe quoi, sous peine de faire grincer les tympans de ses auditeurs !
Mais avant cela, afin que les débutants ne soient pas perdus, nous allons voir comment sont formés les accords…
D’où viennent les notes composant les accords ?
Tous les accords sont formés par les notes d’une gamme. Mais pas n’importe lesquelles : on les choisit en fonction de l’intervalle qui les sépare de la tonique de la gamme. Vous allez comprendre en lisant la suite…
Pour illustrer cela, prenons la gamme la plus connue, celle que l’on apprend à l’école (do, ré, mi, etc.) : c’est la gamme majeure, qui est à la base de toute la musique occidentale (depuis le Classique jusqu’au Jazz, en passant par le Blues, le Rock, la Variété, etc.).
Quand elle commence par do (do, ré, mi, fa, sol, la, si), c’est la gamme de do majeur. Et la note do joue le rôle de tonique (c’est elle donne son nom à la gamme).
Dans la gamme de ré majeur, la tonique est la note ré. Dans la gamme de mi majeur, la tonique est la note mi. Etc.
Les 12 notes de la musique occidentale
La “mère” de toutes les gammes, c’est la gamme chromatique car elle contient toutes les notes possibles en musique occidentale, soit 12 notes.
Sur un manche de guitare, la gamme chromatique occupe 12 cases successives (soit 12 demi-tons puisqu’une case correspond à 1/2 ton) :
La ligne horizontale représente une corde de guitare et les lignes verticales les barrettes (ou frettes).
Les cercles noirs représentent la tonique de la gamme. Les cases dans lesquelles ils se trouvent donneront le nom de la gamme.
Si par exemple on veut jouer la gamme chromatique de do, il faut que les cercles noirs soient placés sur les cases du manche correspondant à la note do. Ce qui nécessite évidemment de savoir où se trouve la note do sur le manche (le cours ci-dessous va vous y aider).
Les autres couleurs sont associées aux intervalles (c’est-à-dire la distance en nombre de tons) séparant les autres notes de la tonique. Il n’est pas nécessaire de les détailler pour le moment.
Remarquez qu’à partir de la 13ème case la gamme recommence, une octave au-dessus.
Les 7 notes de la gamme majeure
Pour former la gamme majeure, on extrait 7 notes de la gamme chromatique :
La gamme majeure est donc une gamme à 7 tons ou gamme heptatonique (hepta = 7).
Si on veut jouer la gamme majeure de do (on peut dire aussi gamme de do majeur), il faut que les cercles noirs soient placés sur les cases du manche correspondant à la note do.
Vous pouvez remarquer que les notes ne sont pas toutes séparées par le même nombre de cases.
Elles sont positionnées aux intervalles suivants par rapport à la tonique :
- Seconde majeure (1 ton = 2 cases).
- Tierce majeure (2 tons = 4 cases). C’est parce que la tierce est “majeure” que cette gamme est dite “majeure”.
- Quarte juste (2 tons 1/2 = 5 cases).
- Quinte juste (3 tons 1/2 = 7 cases).
- Sixte majeure (4 tons 1/2 = 9 cases).
- Septième majeure (5 tons 1/2 = 11 cases ou bien, c’est plus facile, 1/2 ton = 1 case au-dessous de la tonique de l’octave supérieure).
Maintenant, la question qui se pose est la suivante : quelles notes de la gamme majeure peut-on utiliser pour former des accords ?.
Avant d’y répondre, il faut aborder la notion de degrés…
Les 7 degrés de la gamme majeure
On peut construire des accords à partir de chacune des notes d’une gamme. C’est ce que l’on appelle harmoniser une gamme.
On appelle degrés les accords ainsi créés. Il y aura donc autant de degrés que de notes de la gamme.
La note de la gamme à partir de laquelle on forme l’accord s’appelle la fondamentale de l’accord (l’équivalent de la tonique de la gamme). Par exemple, pour l’accord do majeur (noté C), la fondamentale est la note do.
La gamme majeure, qui comporte 7 notes, donnera donc 7 degrés différents, que l’on numérote en chiffres romains :
- le degré I est un accord dont la fondamentale est la tonique de la gamme (ex : do pour la gamme de do majeur),
- le degré II est un accord dont la fondamentale est la seconde majeure de la gamme (ex : ré pour la gamme de do majeur)
- le degré III est un accord dont la fondamentale est la tierce majeure de la gamme (ex : mi pour la gamme de do majeur)
- etc.
Certains degrés sont des accords majeurs et d’autres des accords mineurs. Pour les différencier, certains auteurs utilisent des majuscules pour les degrés majeurs et des minuscules pour les degrés mineurs :
Accords du degré I de la gamme majeure
Comme on l’a vu, la tonique de la gamme est ici la même note que la fondamentale de l’accord.
Par exemple, si la gamme est Ré majeur, tous les accords seront des Ré (D).
Ce sera facile à comprendre avec les schémas qui suivent…
La triade de base du degré I de la gamme majeure (accord à 3 notes)
Pour former la triade du degré I on extrait tout simplement une note sur deux de la gamme majeure, en partant de la tonique :
Cela revient à ajouter à la fondamentale de l’accord des notes de la gamme séparées par des intervalles de tierce. Ici, la première tierce est majeure (4 cases = 2 tons) et la seconde est mineure (3 cases = 1,5 ton). C’est cette structure qui caractérise une triade majeure.
Pourquoi des tierces ? vous demanderez-vous peut-être. Tout simplement parce que la musique actuelle est basée sur une harmonie en tierces.
L’accord E (mi majeur) est par exemple la triade majeure du degré I de la gamme de mi majeur.
Variantes de la triade de base du degré I de la gamme majeure (accords sans tierce)
On peut aussi construire des triades en remplaçant la tierce majeure par une seconde majeure ou une quarte juste :
Comme vous le voyez, cette fois, les notes de ces accords ne sont plus réparties selon des intervalles de tierces.
C’est ce qui donne un effet “retard” ou “suspendu” (d’où le “sus” dans le nom de l’accord) où l’on sent que la seconde ou la quarte aspirent à se résoudre sur la tierce.
Les accords suspendus sont perçus comme “instables” par les auditeurs (habitués à une harmonie basée sur la tierce) alors que les accords avec tierce sont perçus comme “stables”.
On peut les utiliser comme des accords de passage, pour préparer l’arrivée de l’accord majeur sans en jouer la tierce tout de suite.
Si vous voulez approfondir les accords sus4, vous pouvez lire l’article Ces mystérieux accords “sus4”.
Ajoutons maintenant une 4ème note à ces triades pour former une tétrade…
La tétrade de base du degré I de la gamme majeure (accord à 4 notes)
Le principe est le même, mais avec une note en plus :
Vous pouvez constater qu’on alterne les intervalles de tierce : majeure, mineure et majeure.
La tétrade du degré I de la gamme majeure est donc un accord majeur septième majeure (noté 7M, M7, maj 7 ou Δ).
Exemple à partir du degré I de la gamme de mi majeur : E7M (mi majeur septième majeure).
Variantes de la tétrade de base du degré I de la gamme majeure (accords sans tierce)
Comme pour les triades, on peut aussi construire des tétrades suspendues ne contenant pas de tierce :
Quelles notes peut-on ajouter à la triade ou à la tétrade de base du degré I ?
C’est simple, on peut prendre n’importe laquelle des autres notes de la gamme ! Les accords obtenus sont dits “accords enrichis”.
Il reste donc à utiliser :
- la Seconde majeure considérée cette fois comme Neuvième majeure,
- la Quarte juste considérée comme Onzième juste,
- la Sixte majeure considérée comme telle ou comme Treizième majeure.
Quand utilise-t-on les redoublements à l’octave (neuvième plutôt que seconde par exemple) ? Tout simplement quand les intervalles simples correspondants sont déjà pourvus dans les triades ou tétrades de base. Les notes ajoutées ne peuvent être que des notes non encore utilisées (comme la sixte) ou des redoublements considérés alors comme des enrichissements.
Les chiffres entre parenthèse représentent le redoublement à l’octave des intervalles simples. C’est bien sûr la même note mais une ou plusieurs octaves au-dessus. En théorie, en tout cas, car la répartition des notes sur le manche de la guitare étant ce qu’elle est, on n’a pas toujours la possibilité de jouer ces redoublements à l’octave supérieure.
Exemples d’accords que l’on peut former :
- Accord sixième (T, 3, 5, 6). Ex : C6
- Accord neuvième avec septième majeure (T, 3, 5, 7M, 9). Ex : CM9
- Accord sixième avec neuvième ajoutée (T, 3, 5, 6, 9). Ex : C6add9
- Accord majeur avec onzième ajoutée (T, 3, 5, 11). Ex : Cadd11
- Accord majeur avec treizième ajoutée (T, 3, 5, 13). Ex : Cadd13
- Accord onzième avec septième majeure (T, 3, 5, 7M, 9, 11). Ex : CM11
- Accord treizième avec septième majeure (T, 3, 5, 7M, 9, 11, 13). Ex : CM13
Pour comprendre ces notations, vous pouvez étudier notamment…
Accords du degré II de la gamme
Voyons maintenant la construction des accords du degré II, c’est-à-dire ceux qui sont formés en prenant la seconde majeure de la gamme comme point de départ.
Cette fois, c’est elle qui va jouer le rôle de fondamentale pour les accords et leur donnera donc leur nom.
Pour que ce soit facile à visualiser, nous allons décaler les notes sur le manche, de façon à ce que la seconde vienne prendre la place de la tonique :
Les repères numérotés permettent d’identifier les nouveaux intervalles disponibles pour fabriquer des accords (ce sont donc les chiffres qui priment).
Sur le schéma inférieur, vous pouvez constater que :
- la seconde devient la tonique (T),
- la tierce majeure prend la place de seconde (2),
- la quarte devient une tierce mineure (3m) ; cette gamme démarrant sur la seconde est donc une gamme mineure,
- la quinte devient une quarte (4),
- la sixte devient une quinte (5),
- la septième majeure devient une sixte (6),
- et la tonique de l’octave supérieure devient une septième (7).
Puisque la tierce est mineure, les accords du degré II seront des accords mineurs.
La triade de base du degré II de la gamme majeure (accord à 3 notes)
La tierce étant mineure, ce sera donc un accord mineur :
Remarquez que, cette fois, l’ordre des intervalles de tierces est inversé : la première tierce est mineure (3 cases = 1,5 ton) et la seconde est majeure (4 cases = 2 tons). C’est cette structure qui caractérise une triade mineure.
Variantes de la triade de base du degré II de la gamme majeure (accords sans tierce)
Ce sont exactement les mêmes accords suspendus que pour le degré I :
L’intérêt de ces accords, c’est qu’ils ne sont ni majeurs ni mineurs, ce qui les rend utilisables aussi bien dans un contexte majeur que dans une ambiance mineure.
La tétrade de base du degré II de la gamme majeure (accord à 4 notes)
Même principe mais en ajoutant la septième mineure.
Comme pour le degré I, on alterne les intervalles de tierce, mais en commençant cette fois par une tierce mineure : mineure, majeure et mineure.
La tétrade du degré II de la gamme majeure est donc un accord mineur septième (noté m7).
Variantes de la tétrade de base du degré II de la gamme majeure (accords sans tierce)
Comme pour le degré I, on a des accords suspendus mais cette fois avec une septième mineure :
Quelles notes peut-on ajouter à la triade ou à la tétrade de base du degré II ?
Comme pour le degré I, on peut prendre n’importe laquelle des autres notes de la gamme.
Il reste donc à utiliser (ce sont toujours les chiffres qui priment) :
- la Neuvième majeure,
- la Onzième juste,
- la Sixte majeure considérée comme telle ou comme Treizième majeure.
Exemples d’accords enrichis du degré II :
- Accord mineur sixième (T, 3m, 5, 6). Ex : C6
- Accord mineur sixième avec neuvième ajoutée (T, 3m, 5, 6, 9). Ex : Cm6add9
- Accord mineur neuvième (T, 3m, 5, 7, 9). Ex : Cm9
- Accord mineur avec onzième ajoutée (T, 3m, 5, 11). Ex : Cmadd11
- Accord mineur avec treizième ajoutée (T, 3m, 5, 13). Ex : Cmadd13
- Accord mineur onzième (T, 3m, 5, 7, 9, 11). Ex : Cm11
- Accord mineur treizième (T, 3m, 5, 7, 9, 11, 13). Ex : Cm13
Les autres degrés de la gamme majeure
Si l’on fait la même chose avec les 5 autres degrés de la gamme majeure, on s’aperçoit qu’il y a seulement trois natures d’accords de base pour les triades (accords à 3 notes) et quatre pour les tétrades.
En effet, ces degrés ne pourront être que :
- Majeur, mineur ou mb5 pour les accords à 3 sons.
- M7, m7, 7 et m7b5 pour les accords à 4 sons.
Un peu plus précisément (la version tétrade est entre parenthèses) :
Si l’on reprend ces degrés dans un tableau récapitulant toutes les tonalités possibles, on obtient le super tableau d’harmonisation de la gamme majeure qui est une version améliorée par guitare-et-couleurs des tableaux que l’on trouve un peu partout. C’est un outil très puissant dont on se sert extrêmement souvent :
Un autre outil très pratique que nous avons développé, qui permet d’identifier les accords de chaque degré de la gamme majeure mais pas seulement :
Et pour aller encore plus loin, avec d’autres types de gammes, vous pouvez utiliser les fiches Harmonisation des principales gammes :
Application : différentes façons d’enrichir une suite d’accords
En écoutant les exemples qui suivent, vous mesurerez vite l’intérêt d’enrichir les accords d’une grille “banale”…
Prenons la suite d’accords C, Am, F, G suivante (chaque cadre représente une mesure à 4 temps) :
Ce sont des accords de base classiques et la sonorité de cet enchaînement, quoique agréable, est très banale.
Dans les fichiers audios, chaque accord est simplement joué à la blanche (2 coups vers le bas par mesure), l’objet de cet article étant le choix des accords et pas la façon de les jouer. A vous de les interpréter avec d’autres rythmiques si ça vous tente.
Chaque suite d’accords est répétée 3 fois (et c’est le cas pour tous les exemples qui suivent).
Voici maintenant un premier exemple d’enrichissement d’accords :
Comme vous le voyez, certains doigtés sont différents (on peut trouver tous les doigtés possibles d’un accord donné par exemple avec TOUS les accords de la guitare en UN SEUL schéma).
- Cadd9 et Fadd9 : on a ajouté une neuvième. On la considère comme neuvième et non comme seconde car la note n°2 de la triade est déjà pourvue (c’est la tierce).
- Asus 2 : on remplace la tierce par une seconde (ici, on la considère bien comme une seconde car il n’y a plus de tierce pour jouer le rôle de note n°2 de la triade).
- G : on joue deux variantes différentes de l’accord.
Autre façon d’enrichir la même suite d’accords avec des neuvièmes et des variantes de doigté :
Un enrichissement d’accords très courant, c’est d’utiliser les tétrades
On ajoute la septième, majeure ou mineure selon le degré de l’accord (voir le tableau récapitulatif des degrés ci-dessus) :
Dernier exemple d’enrichissement d’accord :
- CM9 : on ajoute une neuvième et on ne joue pas la quinte, souvent omise car moins importante pour installer la sonorité d’un accord. Seules les notes contribuant fortement à l’identité de l’accord sont conservées.
- A7sus4 : la tierce mineure est remplacée par une quarte.
- F6 : on remplace la septième majeure par une sixte.
- G7add13 : on ajoute une treizième (on ne la considère pas comme une sixte car la place de note n°4 de la trétrade est déjà occupée par la septième). Et, encore une fois, on omet la quinte.
D’autres articles qui pourraient vous intéresser sur les enrichissements d’accords (liste non exhaustive) :
Et pour les débutants, un dictionnaire pour découvrir vos premiers accords enrichis :
très bon article.Je joue de la guitare depuis 30 ans sans avoir de véritable formation musicale.Je merci guitare et couleur pour tout leurs articles et en particulier celui ci.Ma compreantion de la théorie musicale avence petit à petit grâce à vos articles.
Merci Denis pour ce retour. Nous sommes ravis que nos articles vous aident à progresser !