En solfège, l’armure (appelée aussi armature) est l’ensemble des altérations (dièses ou bémols) qui caractérisent une tonalité donnée.
Sur la plupart des partitions, l’armure est indiquée au début de chaque portée par le nombre de dièses ou de bémols à la clé (c’est-à-dire “écrits juste après la clé”).
Voici à quoi ressemble une clé (ici, c’est la “clé de sol”) :
A quoi sert l’armure ? A vous permettre d’identifier la tonalité d’un morceau.
Explications et mode d’emploi…
Gamme majeure et tonalité
La structure de la gamme majeure
Si vous prenez la gamme de Do Majeur, celle qu’apprennent tous les écoliers, vous constatez qu’elle ne contient aucune altération (ni dièse, ni bémol) :
Do – Ré – Mi – Fa – Sol – La – Si
Mais si vous prenez par exemple la gamme de Ré Majeur, elle contient 2 dièses :
Ré – Mi – Fa# – Sol – La – Si – Do#
Pourquoi cette différence ?
Elle découle de la structure de la gamme Majeure :
1 ton – 1 ton – 1/2 ton – 1 ton – 1 ton – 1 ton – 1/2 ton
On la visualise très bien sur le clavier d’un piano. Pour jouer la gamme de Do Majeur, on n’a besoin que des touches blanches :
N.B. : Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore la notation des notes en lettres, voici un tableau de correspondance :
Mais pour conserver cette structure, on va devoir ajouter des altérations quand on change de tonique. Si l’on reprend l’exemple de la tonalité Ré Majeur, on est obligé de jouer deux touches noires, Fa# et Do# :
Ce qu’on appelle “armure”, c’est donc le nombre de dièses ou de bémols nécessaires pour conserver la structure de la gamme majeure dans une tonalité donnée, c’est-à-dire avec une tonique donnée (en Ré majeur, la tonique est Ré).
Pour le formuler autrement, l’armure est l’ensemble des altérations qui caractérisent une tonalité donnée.
Le système tonal
Depuis la Renaissance, presque toute notre musique occidentale est basée sur un système dit “tonal”, qui repose sur une note de référence (dite “tonique”). C’est cette note qui va donner son nom à la tonalité (par exemple, en tonalité de Do Majeur, la tonique est Do).
Notez que c’est parce que notre oreille s’est habituée depuis plusieurs siècles aux harmonies découlant de ce système qu’elles nous semblent naturelles et que nous qualifions de “justes” les notes de nos chansons préférées. Mais c’est seulement une habitude culturelle : aucune note n’est juste ou fausse dans l’absolu et le système tonal n’est qu’un découpage du spectre sonore parmi de multiples autres possibilités.
A chaque tonalité correspond un nombre précis d’altérations. C’est donc l’armure qui permettra de savoir dans quelle tonalité on se trouve.
Pour continuer avec notre exemple, avec 2 dièses à la clé, on est en tonalité de Ré majeur. Autrement dit : si vous jouez la gamme de Ré majeur (Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do) deux de ces notes (Fa# et Do#). seront systématiquement altérées par un dièse.
Pour chaque armure, il y a deux tonalités possibles : une majeure et une mineure. L’armure à elle seule ne permettra donc pas de savoir si un morceau est majeur ou mineur (et cela fera l’objet d’un autre article).
Deux exemples d’armure
Avec 2 dièses à la clé, on est en Ré majeur :
Avec 2 bémols à la clé, on est en Sib majeur :
Pourquoi note-t-on toutes les altérations “à la clé” ?
Tout simplement pour alléger la partition.
Prenons par exemple la gamme de Ré majeur. Dans cette gamme, tous les Fa et tous les Do sont dièses.
Pour alléger la notation, on note ces dièses uniquement “à la clef”, plutôt que d’ajouter le symbole “#” devant chaque Fa et chaque Do tout au long du morceau.
Comment déterminer la tonalité d’un morceau ?
Sachez pour commencer qu’il existe trois types d’armures :
- des armures avec des dièses (de 1 à 7)
- des armures avec des bémols (de 1 à 7 aussi)
- une armure vierge (sans altération à la clé)
Pour déterminer la tonalité d’une partition (ou d’une partie de celle-ci s’il y a changement de tonalité en cours de morceau), il vous suffit de compter le nombre de dièses ou de bémols à la clé et de vous reporter au tableau ci-dessous.
Vous l’avez certainement remarqué en observant ce tableau : il ne peut pas y avoir simultanément des dièses et des bémols dans la même gamme. Si une gamme est altérée, elle le sera soit uniquement par des dièses, soit uniquement par des bémols.
Comment savoir quelles sont les altérations concernées ?
Eh oui, ce tableau vous dit “2 dièses” ou “4 bémols” mais il ne précise pas lesquels !
Mais vous allez voir que c’est très simple. Il suffit de savoir par cœur une chose qui vous servira tout au long de votre vie de musicien(ne) et qui est très facile à mémoriser : l’ordre d’apparition des dièses et des bémols.
En effet, les dièses/bémols apparaissent dans l’armure selon un ordre immuable… Ainsi, si vous savez qu’il y a deux dièses à l’armure, ce seront toujours les deux premiers de la liste. Même chose pour les bémols.
L’ordre d’apparition des dièses
Le premier dièse est un Fa# et les autres le suivent par intervalles de quinte juste (soit 3 tons 1/2). Une quinte après Fa, on trouve Do : le second dièse à la clé sera donc Do#. Et ainsi de suite, ce qui donne (sans les #) :
Il faut absolument connaître par cœur cette progression par quinte, car elle va beaucoup vous servir.
L’ordre d’apparition des bémols
Le premier bémol est un Sib et les autres le suivent par intervalle de quarte juste (2 tons 1/2). Le bémol suivant est donc situé une quarte au-dessus : Mib. Et ainsi de suite. Ce qui donne (sans les bémols) la progression par quarte suivante, à connaître par cœur aussi :
Remarquez que c’est exactement l’ordre inverse de celui des dièses, ce qui en simplifie la mémorisation. Cool !
C’est ce qu’illustre le schéma ci-dessous, qui rappelle le cycle des quintes dont vous entendrez beaucoup parler dans ce blog :
Si vous n’avez pas le tableau sous la main…
C’est très simple de s’en sortir, vous allez voir. Il y a trois règles à connaître, qui ne concernent que les tonalités majeures (pour obtenir la tonalité mineure relative, il suffira de faire un petit calcul que nous verrons dans les exemples ci-dessous.
Exemple : l’armure indique 3#. Dans la progression des dièses “Fa, Do, Sol, Ré, La, Mi , Si” que vous connaissez par cœur, le troisième dièse est Sol#.
- La tonalité majeure sera donc Sol# + 1/2 ton = La majeur.
- Ensuite, pour trouver la tonalité mineure relative, il faut savoir que celle-ci est simplement 1 ton 1/2 (soit 3 cases sur le manche) en-dessous de la tonalité majeure. Décomposons ce “calcul” : La – 1 ton = Sol. Sol – 1/2 ton = Solb ou Fa#. Comme on est dans les tonalités à dièses, on conserve Fa#. La tonalité relative mineure sera donc Fa# mineur.
Astuce. Vous auriez aussi pu trouver Fa# directement sur le manche de la guitare, en reculant de 3 cases à partir de La (que vous pouvez prendre par exemple en case 5 sur la corde de Mi) :
Vous pouvez vérifier ces résultats dans le Tableau des tonalités.
Exemple : l’armure indique 4b. Dans la progression des bémols “Si, Mi, La, Ré, Sol, Do, Fa” que vous connaissez aussi par cœur, le quatrième bémol est Réb.
- La tonalité majeure prendra donc le nom du bémol n°3 = Lab majeur.
- Ensuite, si vous avez besoin de la tonalité mineure relative, c’est le même “calcul” que ci-dessus : Solb (ou Fa#) – 1/2 ton = Fa. La tonalité relative mineure sera donc Fa mineur.
Même astuce que ci-dessus. Vous auriez aussi pu trouver Fa directement sur le manche de la guitare, en reculant de 3 cases à partir de Lab (que vous pouvez prendre par exemple en case 4 sur la corde de Mi) :
Vous pouvez vérifier ces résultats dans le Tableau des tonalités.
Comme nous l’avons vu, pour chaque armure, la tonalité peut aussi bien être majeure que mineure.
Alors, il reste une question à résoudre : pour un morceau ayant une armure donnée, faut-il prendre la tonalité majeure ou sa relative mineure ?
Vous trouverez quelques astuces dans l’article Comment savoir si une tonalité est majeure ou mineure ?
Passionnant. Votre article vient de me permettre de comprendre les tonalités. C’est limpide et efficace : vraiment un grand merci !
Merci pour ce retour. Nous sommes heureux que cet article vous soit utile !
Bonjour Florian
Il s’agit d’une pièce de Bélanger Bartõk. Celle-ci a des armures différentes.
1ère portée 2 bémol
2ème portée 2 dièses
Comment cela s’appelle t’il?
Le rapport de DO a FA est donc de 3 à 4. Je continue avec le rapport entre un DO et un MI en rapport de 4 à 5 ( 5×264 = 4×330 )
Je poursuis avec le rapport de DO a LA qui est rapport de 3 à 5 ( 5×264 = 3×440 )
Le RE juste est dans le rapport de 8 à 9 soit 297 hz ( 9*264 = 8*297)
Le SI juste est dans le rapport de 8 a 15 soit 495Hz ( 15*264 = 8*495hz )
Le Mib juste qui est dans l’accord de DO MINEUR est dans le rapport de 5 à 6 par rapport au DO , soit 316.8 Hz ( 6×264 = 5*316.8)
Le Sol# juste qui est utilisé dans les mélodies en LA MINEUR est à 422.4 Hz dans le rapport de 5 à 8 par rapport au DO ( 8*264 = 5*422.4)
Que des rapports fractionnaires !
Mais l’ouie n’a rien a faire de la valeur absolue de la note, c’est à dire du diapason, du moment que les rapports sont conservés exemple en multipliant par 1.05 , on aurait cette gamme qui sonnerait tout aussi juste DO 277,2 hz , RE 311,85 hz, MI 346,5 hz, FA 369,6 hz, SOL 415,8 hz , LA 462 hz et SI 519,75 hz
Bonjour,
J’approuve totalement ce que dit Florian. Ce n’est pas notre culture qui fait que un DO, un MI, un FA, un SOL, un LA, sonnent de manière parfaite lorsqu’ils sont bien accordés, idem pour le MIb. C’est un peu plus délicat pour le RE et le SI, mais cela marche aussi. Les pianos mécaniques ou électroniques sont accordés selon la gamme tempérée qui est “fausse” à 2 ou 3% selon les notes, mais on ne s’en rend pas compte. C’est quand on entend un entend un accord juste à 100% que l’on se dit “OK la c’est parfait”. Et un Indien, un Japonais, un Martien ne pourra que dire la même chose, c’est indépendant de la culture. Je vous donne des fréquences justes entre elles DO 264 Hz, MI 330 Hz FA 352 Hz SOL 396Hz LA 440 Hz.
Il se trouve que l’ouie est comme la vue est un sens qui est sensible à l’harmonie perçue. Faisons donc le parallèle avec la vue : si je vous présente un pavage avec deux sortes de pavés de même largeur, mais de deux longueurs différentes quelconques A et B , vous allez trouver cela très peu harmonieux, sauf si les longueurs ont un rapport fractionnaire entre eux. Si 2 pavés A ont la même longueur que 3 pavés B , le pavage sera trouvé correct. De même au niveau de l’ouie, si 2 oscillations de A ont la même durée que 3 oscillations de B, alors les notes sonneront justes entre elles, qu’elles soient jouées simultanément (accord) ou successivement ( par effet de la mémoire de la note précédente) . C’est ce qui se passe avec un DO et un SOL qui se correspondent dans un rapport de 2 à 3 ( 3×264 = 2×396 ). Il en est de même entre DO et FA ( 4×264 = 3×352 ) . Idem avec les autres MI et LA … CQFD
Il reste que l’analyse des fréquences montre qu’il y a des critères objectifs (mathématiques, biologiques) pour dire que le sol et le do sont très proches : le rapport de fréquences est proche de 3/2. Tandis qu’une quelque part entre le fa et le sol sera éloignée du do.
Et ce critère de rapport de fréquence est beaucoup plus profond qu’une simple habitude culturelle. Je crois que toutes les cultures en tiennent compte pour leur musique, la nôtre le fait à travers la gamme à douze demi-tons, et d’autres le font autrement, mais aucune ne l’ignore à ma connaissance.
On peut le toujours le critiquer critère et il y a de quoi argumenter contre, mais bien plus difficilement que pour un simple a priori culturel. A mon humble avis, on ne peut pas l’évacuer d’un revers de main comme vous le faites.
Voilà un article très bien écrit, une remarque cependant :
“c’est seulement une habitude culturelle : aucune note n’est juste ou fausse dans l’absolu”
Il y a quand même des notes qui sonnent mieux ensemble que d’autres, dans l’absolu. Donc des suites de notes qui sont plus justes que d’autres. C’est quand les rapports des fréquences ont sont bons. Et c’est ce qui explique que douze demi-tons est une des solutions qui fonctionne bien, cela venant du fait que la racines douzième de deux est proche d’un rationnel de petit numérateur/dénominateur. Bref, aller un peu plus loin dans la théorie musicale éviterait de propager une idée fausse.
Quand vous dites “Il y a quand même des notes qui sonnent mieux ensemble que d’autres”, cela ne contredit pas le propos “aucune note n’est juste ou fausse dans l’absolu”.
Par ailleurs, je ne suis pas aussi sûr que vous quand vous affirmez “Il y a quand même des notes qui sonnent mieux ensemble que d’autres, dans l’absolu.” Dans “le relatif”, probablement que oui, c’est-à-dire dans une culture où notre oreille a été longuement façonnée pour considérer que certains rapports de fréquence sont “bons”.
Mais “dans l’absolu”, c’est-à-dire en tous temps et pour toutes les cultures, je reste dubitatif.
Selon moi, “dans l’absolu”, ils ne sont ni bons ni mauvais, ils sont simplement agréables à entendre à une époque et pour une culture donnés (donc “dans le relatif”).
Il fut d’autres temps où certaines fréquences qui nous ravissent aujourd’hui auraient été mal perçues. Et il y a aussi d’autres endroits du monde où certaines notes ou suites de notes agréables pour ceux qui y vivent ne sonnent pas forcément “juste” pour nous.
Enfin, c’est mon humble avis, je n’ai pas une culture suffisante pour affirmer cela de façon certaine.
Julien