La substitution tritonique est très souvent utilisée, particulièrement en Jazz, pour remplacer des accords de septième de dominante (de la forme X7).
L’accord X7 (degré V) crée naturellement une certaine tension dans la grille du fait de sa tendance à résoudre sur le degré I.
La substitution tritonique permet d’ajouter encore un peu plus de tension sur cet accord et de produire une sympathique descente chromatique sur les basses.
Cet article vous permettra :
- de comprendre et utiliser la substitution tritonique,
- de l’aborder sous un autre angle avec l’outil “cercle des quinte”
C’est vrai que, quand on ne connaît pas, “substitution tritonique”, ça sonne un peu ésotérique ! Mais n’ayez pas peur, c’est plus facile à apprendre et à appliquer que ça en a l’air. Avec un peu d’habitude, ça deviendra quasiment automatique.
Le mieux, c’est de l’illustrer par un exemple.
Exemple en Do majeur
Prenons un enchainement ii – V – I en Do majeur. Les accords correspondants sont Dm7, G7 et CM7.
Vous ne savez pas d’où viennent ces accords ? Ils sont tout simplement issus du tableau d’harmonisation de la gamme majeure reproduit ci-dessous (ligne “Do”) :
Pour un son plus Jazz, vous pouvez enrichir les accords. Par exemple : Dm9 – G7b13 – CM9 :
Pour ne pas jouer les cordes représentées par une “X”, vous pouvez les effleurer avec le doigt voisin pour les étouffer. Par exemple, pour G7b13, l’index qui joue la fondamentale sur la corde de Mi grave effleurera la corde de La juste en dessous pour l’empêcher de sonner.
La substitution tritonique consiste à remplacer le degré V par le degré bII (“bémol II”).
En Do, ça donnera donc : Dm9 – Db9 – CM9 :
Pourquoi peut-on substituer le degré V par le degré bII ?
Il est temps de répondre à cette question que vous vous posez certainement tous les matins au petit déjeuner !
Comparez les deux diagrammes :
Que remarquez-vous ? Ils ont les mêmes notes significatives qui, pour un accord de type X7, sont la tierce majeure et la septième.
En plus, ici, on s’est offert la même note comme enrichissement ; vous pouvez vérifier sur le schéma ci-dessus que la treizième bémol de G est aussi la neuvième de Db, à savoir un Mib.
Les sonorités de ces deux accords seront donc assez proches.
Avec le degré bII, la séquence sonne plus “fluide” du fait de la descente chromatique de la basse, de D à Db plutôt que de D à G. Et ça, les jazzmen adorent !
Quand utiliser la substitution tritonique ?
Vous pouvez utiliser la substitution tritonique à chaque fois qu’un degré V résoud sur le degré I.
Et cela aussi bien pour l’accompagnement que pour l’impro. Par exemple, toujours en Do majeur, au lieu d’improviser avec un arpège de G7 vous pourrez jouer un arpège de Db7.
C’est utilisé par de nombreux musiciens, et pas seulement dans la cadence ii – V – I.
Mais c’est vrai que ça sonne particulièrement bien avec la cadence ii – V – I (ou simplement la cadence V – I), du fait de la progression chromatique à la basse que cela implique (en Do majeur : Ré-Réb-Do).
Par contre, cela ne sonnera pas aussi bien sur des cadences ii – V ou, plus généralement, sur des accords X7 ne résolvant pas sur le degré I.
Bon, c’est bien beau tout ça, mais quel rapport avec les tritons ?
Mais non, ce n’est pas le batracien !
Au lieu de compter 3 tons (6 frettes sur la guitare) vous pouvez aussi utiliser l’astuce suivante : ajoutez un demi-ton au degré I vers lequel résoud le degré V. Par exemple, en Do majeur, Db est bien un demi-on au-dessus de C.
Et si vous avez un doute, vous pouvez toujours vérifier avec l’outil cercle des quintes…
La substitution tritonique illustrée par le cercle des quintes
Si vous intéressez au Jazz, vous savez déjà que les progressions par quartes (mais on entend plus souvent dire par quintes descendantes, ce qui revient au même) sont très souvent utilisées, en particulier dans le Jazz.
La progression vii – iii – vi – ii – V – I en est un exemple typique, où l’on voit clairement la “remontée” du cercle des quintes dans le sens des quartes :
Mais si on en fait trop souvent usage, c’est comme pour tout : ça finit par devenir prévisible et donc ennuyeux. C’est pour cela qu’on a inventé différentes méthodes de substitution.
La substitution tritonique en est un exemple très largement utilisé…
On a vu plus haut que le triton (3 tons) était un intervalle symétrique, partageant l’octave (6 tons) en deux parties égales. Rien d’étonnant, alors, qu’il corresponde au diamètre du cercle des quintes, puisque le cercle représente une octave (mais dans le désordre).
Vérifions-le avec la progression ii – V – I en Do majeur. On voit immédiatement que la note diamétralement opposée à G est bien Db :
Le cercle confirme donc que Db7 peut être utilisé comme substitution tritonique de G7.
- en ajoutant 3 tons (6 cases sur la guitare) à la fondamentale de l’accord à remplacer,
- en ajoutant 1/2 ton à la fondamentale de l’accord du degré I vers lequel se résoud le degré V,
- ou, via le cercle des quintes, en prenant l’accord dont la fondamentale est séparée d’un diamètre de l’accord à remplacer.
Exercice
Prenez la suite d’accords Bm7 – E7 – AM7. Par quel accord pouvez-vous remplacer E7 avec la substitution tritonique ?
Réponse : Bb7 (que vous pouvez bien sûr jouer tel quel ou après l’avoir altéré ou enrichi de différentes façons).
On peut le trouver en :
- ajoutant 3 tons (6 cases sur la guitare) à la fondamentale de l’accord à remplacer : il y a bien 6 frettes entre E et Bb sur la guitare ;
- ajoutant 1/2 ton à la fondamentale de l’accord du degré I : A + 1/2 ton = Bb ;
- ou, via le cercle des quintes, en prenant l’accord dont la fondamentale est séparée d’un triton (donc d’un diamètre) de l’accord à remplacer :
Merci beaucoup pour votre réponse, je plonge à pieds joints dans vos explications 😉
très cordialement
Jean Michel
Merci à vous, super enrichissant pour un béotien comme moi. Je trouve l’accord Db9 beaucoup plus “harmonieux” que le G7b13, c’est une question d’oreille ou y a-t’il une explication logique ?
Merci Jean-Michel.
Une explication possible à votre perception, c’est le côté plus subtil de la descente chromatique de la basse : Ré-Réb-Do plutôt que Ré-Sol-Do.
C’est sans doute pour cela que la substitution tritonique est souvent utilisée.