Quand vous jouez une rythmique, avez-vous conscience de l’endroit où se trouvent les temps forts et les temps faibles (ou les parties fortes/parties faibles des temps) ?
Si vous avez du mal avec ces notions, cet article va vous intéresser.
Quand vous y verrez plus clair, vous comprendrez plus facilement des concepts comme la syncope ou le contretemps.
Et vous aurez un jeu plus subtil, car vous prendrez plus finement conscience de la raison pour laquelle vous avez tendance à accentuer votre jeu à certains moments et pas à d’autres (ou de l’utilité de le faire si vous ne le faites pas naturellement) !
Temps fort et temps faible
Prenons quelques exemples…
Dans la mesure en 4/4 ci-dessous, les temps forts sont en rouge :
On compte “1 2 3 4″. Les temps forts correspondent aux chiffres en rouge.
Quand il y a plusieurs notes par temps, comme ici avec des croches qui durent 1/2 temps (il y en a donc 2 par temps), on parlera de parties fortes et parties faibles du temps (les parties fortes sont en rouge) :
Quand on joue, au lieu de compter “1 2 3 4″ comme pour les noires ci-dessus, on compte “1 et 2 et 3 et 4 et”. Les parties fortes des temps correspondent au chiffres et les parties faibles aux “et”.
Avec des doubles croches, qui durent 1/4 de temps (il y en a donc 4 par temps), le premier quart de temps est la partie forte et les trois autres quarts sont la partie faible :
Dernier exemple mixant croches et doubles croches :
Les exemples ci-dessus ne sont bien sûr pas une liste exhaustive de toutes les configurations possibles !
Dans les exercices qui suivent, l’objectif sera de vous concentrer sur les temps (ou parties de temps) forts et faibles.
Mais avant de les aborder, voyons d’abord sur quelle grille d’accords vous allez jouer…
La suite d’accords sur laquelle vous allez pratiquer ces exercices
Ce qui est important ici, c’est de bien sentir le rythme et pas de se perfectionner dans la pratique des accords. C’est donc la même grille, très facile, que vous jouerez pour tous les exercices. L’autre avantage, c’est qu’il sera plus facile de comparer les rythmes puisque les accords, eux, restent inchangés.
C’est la fameuse suite Em | C | G | D, sur laquelle est basée, dans cet ordre ou dans un autre, une multitude de chansons (voir l’article Em, C, G, D : 4 accords magiques pour accompagner des centaines de chansons).
Il est probable que vous connaissiez déjà parfaitement ces accords, dont voici les diagrammes :
Les cases représentent les 4 mesures (il y a donc un accord par mesure).
Vous n’avez pas besoin de vous occuper des couleurs des diagrammes dans cet article, mais pour ceux que cela intéresse, en voici la signification :
- fondamentale (la note qui donne son nom à l’accord)
- tierce (quand il y a un signe moins, c’est pour indiquer qu’elle est mineure, ce qui fait que l’accord est lui-aussi mineur)
- quinte
Pour la suite, un petit rappel (si nécessaire) des symboles indiquant le sens du coup de médiator sur une tablature ou une partition :
Rythmique n°1
La rythmique s’effectue sur une mesure à 4 temps (indiquée par la fraction 4/4 en début de partition, qui signifie “4 noires par mesure”).
Représentation de la rythmique
Sur une portée, voici comment on peut la représenter…
Sur la portée ci-dessus, on peut voir que cette rythmique est formée d’une noire, d’une croche, d’une noire et de trois croches (les hampes des deux dernières croches étant reliées par une barre horizontale ; cette façon de représenter les croches est très fréquente et permet de rendre les partitions plus lisibles).
Cette représentation est intéressante en pratique courante car elle est claire (peu “chargée”).
Mais, du point de vue pédagogique, elle n’est pas optimale car il n’est pas évident d’identifier les parties fortes et les parties faibles des temps ni de visualiser les mouvements du médiator.
Voici une autre représentation de la même rythmique où chaque noire est remplacée par deux croches liées par un arc tourné vers le bas et où les parties fortes des temps (chiffres) sont en rouge :
Avec cette seconde représentation, il devient alors beaucoup plus facile d’identifier :
- les parties fortes (en rouge) et les parties faibles des temps ;
- les mouvements aller et retour du médiator : les allers se font sur les chiffres et les retours sur les “et”.
Les parenthèses indiquent les notes qui ne sont pas jouées : le mouvement du médiator se fait toujours, mais sans toucher les cordes.
S’il est activé, le seul son qu’on entendra sur ces notes sera le tic du métronome (qui coïncide avec les chiffres, pas avec les “et”).
Ici, on entendra le tic du métronome à la place de la croche (3).
Battement à la croche
Comme vous le voyez, que l’on gratte ou pas les cordes, on effectue systématiquement un mouvement aller le temps d’une croche puis un mouvement retour valant lui aussi une croche.
Soit 8 battements par mesure en 4 allers et 4 retours, puisque ce sont des mesures à 4 temps.
On appelle cette pulsation de base un battement à la croche.
En chiffres et en “et” la rythmique s’écrit donc “1 (et) 2 et (3) et 4 et”. Le médiator (ou les doigts si vous préférez) ne touchent pas les cordes quand il y a des parenthèses.
Si on le formule de manière à indiquer le sens du mouvement, avec “H” (pour HAUT) et “B” (pour BAS), cela donne : B BH HBH.
Pour bien sentir ce mouvement et ne pas vous perdre en route, prenez l’habitude de battre le tempo avec le pied ! C’est facile : dans un battement “à la croche”, le pied suit exactement les mouvements de balancier du bras qui gratte les cordes (droit pour les droitiers). Autrement dit :
- le pied descend quand le bras descend (sur les chiffres),
- et il remonte quand le bras remonte (sur les “et”).
Syncope et contretemps
Cette rythmique contient l’un des deux mais lequel ? Suspense !
Syncope et contretemps (ou contre-temps) sont des notes attaquées sur un temps faible (ou une partie faible de temps).
Ce qui les différencie c’est que :
- Dans la syncope, la note attaquée sur le temps faible se prolonge sur le temps fort suivant.
- Alors que dans le contretemps, la note attaquée sur le temps faible NE se prolonge PAS sur le temps fort suivant, qui est remplacé par un silence.
Leur point commun, c’est qu’ils créent un effet de surprise chez l’auditeur, en déplaçant le silence là où on ne s’attend pas à le trouver.
Exemples :
Comme vous le voyez, cela fonctionne aussi entre deux mesures. La syncope de gauche correspond à 2 noires liées et pourrait donc être remplacée par une blanche (qui vaut 2 temps). Par contre, à droite la liaison est la seule possibilité pour mettre une blanche “à cheval” entre deux mesures.
Alors, est-ce une syncope ou un contretemps qu’on trouve dans cette rythmique n°1 ?
C’est une syncope, au niveau du 2ème “et”, puisqu’il se prolonge sur la partie forte du temps suivant (3).
Vérifiez-le sur la portée :
Rythmique n°1 tempo très lentRythmique n°1 tempo lentRythmique n°1 tempo normal
Astuce pour les changements d’accords. C’est à la dernière croche (le dernier “et” de la mesure) que s’effectue le changement d’accord. Si vous n’avez pas le temps de positionner vos doigts pour jouer l’accord suivant, grattez cette dernière croche à vide, c’est-à-dire sans plaquer d’accord, et en vous limitant aux trois premières cordes (les plus fines) pour en atténuer la sonorité. Pendant ce temps, votre main gauche a le temps de se déplacer pour plaquer l’accord suivant.
Rythmique n°2
Comme tous les exemples de cet article, on a des mesures à 4/4 : elles contiennent donc l’équivalent en durée de 4 noires.
Ici encore, on a un battement à la croche :
- Aller (médiator vers le bas) sur la croche rouge (partie forte du temps c’est-à-dire les chiffres).
- Retour (médiator vers le haut) sur la croche noire (partie faible du temps c’est-à-dire les “et”).
- Quand il y a des parenthèses, on fait quand même le mouvement mais sans toucher les cordes.
Il y a une syncope sur le 3ème “et”, qui se prolonge sur la partie forte du temps (4).
Rythmique n°2 tempo très lentRythmique n°2 tempo lentRythmique n°2 tempo normal
Rythmique n°3
Même genre de structure que précédemment :
- 4 paires de croches dont certaines sont liées (ce qui fait que leur durée équivaut à celle d’une noire).
- Battement à la croche.
Ici, on a deux syncopes : sur les 2ème et 3ème “et”. Si on active le métronome, on l’entend très distinctement sur les parties fortes des temps (3) et (4), étant donné qu’à la guitare rythmique, on ne prolonge pas vraiment le son sur la durée totale de la liaison.
Rythmique n°3 tempo très lentRythmique n°3 tempo lentRythmique n°3 tempo normal
Rythmique n°4
Encore la même structure que précédemment mais cette fois les trois premières croches rouges sont des silences (on appelle “demi-soupir” le silence de la valeur d’une croche, voir l’article Comment indiquer la durée des notes et des silences).
A la place des demi-soupirs (1), (2) et (3), on entendra le tic du métronome.
Les premier et deuxième “et” sont des contretemps, puisqu’ils sont suivis d’un silence à la place de la partie forte du temps suivant.
Le quatrième “et” aussi est un contretemps, puisque la rythmique se répète sur plusieurs mesures et que la première croche de la mesure suivante est un silence.
Rythmique n°4 tempo très lentRythmique n°4 tempo lentRythmique n°4 tempo normal
Rythmique n°5
Cette fois, on va passer à un battement à la double croche.
Pour rappel, la double croche dure 1/4 de temps : il en faut donc 4 pour correspondre à une noire.
Du coup, une mesure à 4/4 peut en contenir 16.
Dans cet exercice, la structure rythmique s’étale sur 2 temps seulement et elle est donc répétée 2 fois dans la mesure.
Sur la portée ci-dessous, elle est représentée de deux façons :
Sur les deux premiers temps, ce sont uniquement des doubles croches, liées pour certaines : cette représentation est parfaite pour bien visualiser le découpage des temps et les mouvements du médiator.
Par contre, ça fait un peu chargé !
On peut donc alléger la portée en mixant croches et doubles croches comme sur les deux derniers temps. Ces deux écritures sont équivalentes.
La note jouée sur une partie faible du temps n°1 (premier “b”) se prolonge sur la partie forte du temps suivant (2). C’est donc une syncope. Et comme la figure rythmique se répète à partir du temps n°3, on a la même chose au niveau du troisième “b”.
Elle sont faciles à repérer à l’oreille dans les fichiers audio car on entend le tic du métronome à la place des croches (2) et (4).
Dans le battement à la double croche, il est facile de se perdre en route si l’on n’utilise pas quelques astuces de repérage.
Comme vous le voyez sur la portée ci-dessus, il y a 2 allers et 2 retours dans un temps. Pour savoir à tout moment où vous en êtes, prenez l’habitude de compter en utilisant un symbole différent pour chaque 1/4 de temps.
Ici, par exemple, on compte 1 a + b, 2 a + b, etc.
Si on comptait par exemple 1 et et et… il serait plus facile de se perdre.
Si “a”, “+” et “b” ne vous conviennent pas, rien en vous interdit de prendre autre chose ! L’important, c’est de compter et de le faire à haute voix (au moins au début).
Les chiffres correspondent à la partie forte des temps et coïncident avec le tic du métronome.
Comme vous l’entendrez sur les audio d’entraînement, sur les “1” et “3”, on ne joue que la note la plus grave de l’accord. Vous pouvez le faire aussi ou jouer l’accord entier, selon votre préférence (ou alterner les deux).
Rythmique n°5 tempo très lentRythmique n°5 tempo lentRythmique n°5 tempo normal
Rythmique n°6
Comme pour l’exemple 5, on a un battement à la double croche, dont la structure s’étale cette fois sur la mesure complète.
Une façon plus légère mais qui rendent moins facile le repérage temporel c’est de remplacer certaines doubles croches liées par des croches :
On pourrait même remplacer les croches liées par des noires… et compliquer encore davantage le repérage temporel (à moins bien sûr d’être assez entraîné).
Ici, on a une syncope au niveau du troisième “b”. Elle est facile à repérer à l’oreille dans les fichiers audio car on entend le tic du métronome à la place de la croche (4).
Rythmique n°6 tempo très lentRythmique n°6 tempo lentRythmique n°6 tempo normal
Votre méthode est vraiment très claire et très interessante. Cette partie sur le rythme est fondamentale et je suis content de pouvoir la mettre en pratique : Elle permet de donner un vrai volume aux morceaux. Le plus dur est d’arriver à tout maitriser avec indépendance. J’ai acheter jouer de belles rythmiques à la Guitare. Je trouve ça très bien. Par contre j’ai encore du mal à chanter en même temps que je fais le rythme. J’ai mis en pratique les exercices pour que vous conseillez pour acquérir de l’indépendance mais je me demandais si il y en avait d’autres dans un de vos manuels. Encore bravo !
Merci Hippolyte pour votre retour sur les cours.
Pour parvenir à chanter en même temps que vous jouez la rythmique, il n’y a pas besoin d’exercices spécifiques : la clé, c’est de vous entraîner d’abord à jouer la rythmique seule, en la répétant encore et encore, jusqu’à ce qu’elle soit totalement automatique.
Vous pourrez alors chanter dessus facilement car votre cerveau, n’ayant plus besoin de penser à la rythmique, pourra se consacrer pleinement au chant.
Amusez-vous bien !